Tranche de vie : La place des femmes dans la tech

femme datacenter science

Quand j’ai fait mon lycée, il y a fort fort longtemps, la problématique des femmes dans la tech était déjà présente. 

Dans les années 90 peu de femmes se lançaient dans les métiers techniques et c’était un problème que les pouvoirs publics avaient pris en compte. De nombreuses initiatives existaient et semblaient petit à petit porter leurs fruits.

 

La robotique

Depuis toute petite j’adorais les ordinateurs et je préférais couper la pelouse que plier le linge. Je laissais volontiers les tâches d’intérieur à mes sœurs et préférais être avec mon père à faire du bricolage, du jardinage ou le seconder sur les ordinateurs…

 

En seconde, j’ai pris des options un peu particulières : technique des systèmes automatisés et productique

Dans la première option on décortiquait les automates (stores, machines à carte, anciens ordinateurs, etc.) et en productique on a appris à utiliser des machines outils à commandes numérique : tour, fraiseuses, press, découpeur laser, etc. Avant la rentrée, plusieurs personnes ont tenté de me dissuader: « c’est trop technique » « ça va te boucher ton avenir » « tu vas être la seule fille! Ça va être l’enfer » etc.

J’ai adoré ces matières ! Ma classe avait plus d’heures que toutes les autres secondes mais on aimait manipuler, trouver des solutions pour concevoir des objets. C’était vraiment chouette ! Je crois que cette année de 2nd est celle dans laquelle je me suis le plus épanouie à l’école.

J’étais effectivement la seule fille. Et j’avais les cheveux courts. Détail important à l’époque : Les premières semaines, le prof d’histoire notait que j’étais absente systématiquement car il me voyait comme un garçon. Il cherchait une personne aux cheveux longs et comme il n’en voyait pas, me notait absente !! Quand il a compris son erreur il s’est excusé, mais la encore, le sexisme ordinaire… femme == cheveux longs…

 

Sexisme ordinaire sur jeune fille au lycée…

 

En première, je suis restée en filière générale Scientifique, et j’ai gardé les options technologiques : cela s’appelait « techniques industrielles ». Ca incluait un cours de 4h par semaine en génie mécanique et 4 en génie électronique. 

Faire des plans mécaniques 2D et 3D, comment fonctionne une boite de vitesse, calculer les torseurs, mettre en place un système de feux tricolores synchronisés, etc. bref du concret !

Là encore… la seule fille. 

Je me souviens que dans la salle du cours de génie mécanique, nous avions des affiches pour promouvoir les femmes dans la tech.

 

(image issue du document officiel https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/panorama-2.pdf)

 

Mais le discours misogyne de certains profs contrastait grandement avec les images affichées !

Je me souviens de mon premier cours de mécanique, c’était notre prof principal. Il avait environ 35 ans. 

Il nous pose une question et interroge un des gars de la classe qui lui répond. 

Le prof se tourne ensuite vers moi pour me demander «  et toi ? ».  J’ai eu la mauvaise idée de répondre « je pense qu’il a raison ». Du tac au tac j’ai eu un retour qui m’a laissée sans voix car je n’avais jamais été habituée à cette violence verbale : «  ah ben ! Si les femmes se mettent à penser maintenant, on n’est pas dans la merde ! ». 

 

Classe hilare. 

 

Sauf moi. Seule femme, témoin de cette misogynie « standard ».

 

Le ton était donné pour l’année. 

Comme je suis toujours à fond dans ce que je fais, et que je m’implique toujours beaucoup, j’ai été déléguée de classe, juste pour pouvoir me défendre plus efficacement. 

et… comme je n’ai pas trop ma langue dans ma poche non plus, les réflexions suivantes ne m’ont pas laissé sans voix. Je répondais à chaque agression. A mes yeux, je répondais posément, mais ça m’a valu plusieurs visites dans le bureau du proviseur. Sans aucune conséquence car le contexte sexiste avait bien été perçu. Ouf ! 

 

Ensuite, en première, même option, même prof. 2 filles dans la classe. Une redoublante, qui elle aussi avait toujours été la seule fille depuis la 2nd. Bizarrement, il n’y a pas eu trop d’atomes crochus entre nous, mais une solidarité féminine s’est quand même créée. On a fait front à 2 face à ce prof principal. 

En milieu d’année scolaire, j’ai vu passer un prix qui récompensait les filles avec un projet professionnel et des études techniques “le prix de la vocation scientifique et technique”. Comme depuis toujours je savais que je voulais faire de l’informatique, j’ai monté mon dossier. J’ai été lauréate du prix, reçue à la préfecture de ma région avec une 10 aine d’autres jeunes filles. Je me suis toujours demandée si nous avions été les seules à postuler ou s’il y avait eu une réelle sélection. 

Mais cela m’a quand même relativement boostée. J’étais fière d’avoir ce prix !

La remise des prix est tombée en même temps que les dossiers pour les écoles d’ingénieur et prépa. Il ‘n’y avait pas « parcours sup’ » à l’époque !

Mon prof misogyne a démoli chacun de mes dossiers de candidature. Il estimait que, bien que major de promo au lycée, je n’avais pas « la capacité intellectuelle » de tenir une prépa intégrée en école d’ingénieur.  Ca a été un coup assez dur pour moi à l’époque car la confiance en soi d’un ado se construit aussi avec les professeurs… mais j’ai tenu bon et intégré une très bonne école d’ingénieur à Orsay !

 

Le supérieur et la suite

 

Pour ces études supérieures, je n’ai pas de souvenir de sexisme particulier. Dans les classes, il y avait effectivement moins de filles, mais ce n’était pas si déséquilibré que cela à mes yeux. 

 

Coté professionnel, être une femme dans la tech ne m’a jamais semblé être un frein ni un tremplin. Le doute persiste toujours sur certaines décisions ou certaines promotions. Mais je n’y accorde pas ou peu d’importance. 

 

Et maintenant : la place des femmes dans la tech ?

 

Cependant quand je vois l’effondrement des chiffres pour les femmes en filière technique, je me demande bien ce qui se passe. 

On a des filières « neutres » et un enseignement identiques pour les garçons et les filles. Entre les années 90 et maintenant on aurait dû faire des progrès sur le poids sociétal  ressenti par les jeunes filles…  Mais il n’en est rien.

Depuis que mes enfants sont nés, je fais attention à ne pas genrer les jouets ou les vêtements, et je les incite vraiment à choisir leur voie en fonction de leur désir, pas en fonction de la société.

Il me semblait que c’était une tendance de fond depuis de nombreuses années…. Visiblement non ! Je le déplore et je continuerai à mon humble niveau à inciter les jeunes filles à faire de la technique si elles le souhaitent !

 

Article inspiré par la lecture de l’article suivant qui propose une analyse très complète et détaillée des femmes dans la tech et en particulier dans le numérique : https://usbeketrica.com/fr/article/mais-ou-sont-les-femmes-dans-le-numerique

J’ai voulu, au travers de ma petite expérience, montrer que ce phénomène ne date pas d’hier et ne semble pas être en déclin.

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